Chrétiens et musulmans français pour la paix en Syrie

Président de Pax Christi-France, Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, a fait partie d’une délégation interreligieuse qui a rencontré des réfugiés syriens en Jordanie et au Liban, du 7 au 11 octobre 2013. Il témoigne de l’aspiration à la paix des Syriens et encourage les catholiques à soutenir financièrement le travail des associations sur place.
 

Comment cette démarche est-elle née ?

C’est une initiative de Pax Christi. Dans Le Journal de la Paix en Marche, notre revue trimestrielle, j’avais consacré un éditorial à la Syrie, disant que la situation nous concernait tous, pas seulement les politiciens. C’était un appel à nos lecteurs. Puis, j’ai écrit aux organismes chrétiens avec qui nous sommes en contact habituellement : Justice et Paix, le Secours Catholique, le CCFD-Terre Solidaire, l’œuvre d’Orient et le Défap-Service protestant de mission, etc. Je les ai invités à une rencontre pour réfléchir à la manière dont nous nous situons face aux problèmes du peuple syrien et envisager ensemble une action. Nous nous sommes immédiatement dits qu’il fallait que ce soit quelque chose d’interreligieux, avec des organisations musulmanes françaises. On a trop l’habitude de séparer les religions et de se méfier de l’autre. Il est important de dire que les religions ne sont pas faites pour créer la division mais pour être ensemble au service de l’Homme et de la paix. Notre idée était d’y aller en août mais pour les musulmans, c’était l’époque du Ramadan, ce qui ne convenait absolument pas. Nous avons reporté en octobre pour que cela soit une démarche conjointe.
 

En quoi consiste-t-elle ?

Nous avons décidé de lancer un « Appel pour le peuple syrien », largement diffusé, et d’accompagner cet appel d’une visite aux réfugiés, au Liban et en Jordanie, pour leur dire la solidarité des chrétiens et des musulmans de France. L’œuvre d’Orient et la Caritas ont élaboré le programme de la délégation. Les Caritas locales sont les principaux intervenants auprès des réfugiés dans ces pays. Nous voulions rendre visite à des réfugiés chrétiens et musulmans. Certains sont logés dans des familles, d’autres dans des camps de tentes. Nous les avons rencontrés grâce aux centres où l’on s’occupe d’eux. Nous avons aussi été dans des paroisses qui mènent une action très forte envers les populations déplacées. Les différents organismes travaillent avec le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies (UNHCR). Nous avons donc pu parler avec des réfugiés, avec ceux qui leur viennent en aide. La Caritas nous a fait visiter des camps et un organisme musulman nous a montré sur le terrain son action.
 

Quels responsables religieux avez-vous rencontrés ?

Le gouvernement libanais ne s’occupe pas des réfugiés : les Eglises font partie des organismes qui leur viennent en aide. En Jordanie, nous avons rencontré Mgr Maroun Lahham, vicaire du Patriarche latin de Jérusalem. Au Liban, nous avons été reçus par le Patriarche maronite, Mgr Béchara Raï (photo), et par S.B. Grégoire Laham, patriarche grec-catholique. Il nous ont fait part de leur analyse qu’il était important pour nous d’entendre. Nous y allions avec nos idées et notre approche. Ils nous ont dit quelque chose de ce qu’ils percevaient de la situation en tant qu’autorités religieuses. Les Maronites comme les grec-catholiques ont des ressortissants en Syrie.
 

Ces rencontres et partages ont-ils fait évoluer votre compréhension de la situation ?

Je parle en mon nom propre ! J’y allais pour rencontrer des réfugiés mais j’ai aussi rencontré ceux qui les accueillent et qui jouent un rôle considérable. Nous leur avons apporté notre soutien à eux aussi. Il est important de continuer car ils font un travail énorme. C’est une situation complexe. J’ai lu que le Liban compte plus de 4 millions d’habitants. Or, ce pays accueille 2 millions de réfugiés. Outre les Syriens qui sont plus d’un million et demi, il y a aussi des Palestiniens, des Irakiens… Il y a aussi le fait que, depuis chez nous, on voit ça avec le prisme de l’opposition entre les religions – certains considèrent que les chrétiens sont persécutés – or ce n’est absolument pas cela le problème. Nous avons rencontré des chrétiens et des musulmans qui sont des Syriens avant toute chose. Ils n’ont qu’une hâte, c’est de rentrer chez eux. Pour eux, ce n’est pas un problème de religions. Il s’agit de retrouver leur lieu de vie et leur culture. Les étudiants syriens que nous avons rencontrés au Liban, que leurs parents ont fait partir parce qu’ils étaient en danger en Syrie, en veulent à leur famille : ils estiment que leur place est en Syrie. Bien-sûr, il y a des querelles religieuses mais le fond du problème des réfugiés est leur aspiration à la paix. Il faut faire la paix très vite pour qu’ils puissent rentrer chez eux. On n’entend pas souvent ce discours en France. La question n’est donc pas celle du régime mais de comment faire la paix. Nous devons tous nous employer, et en particulier les responsables politiques, à ce que la paix soit rétablie en Syrie, à prendre les bons moyens pour la consolider et non pas ceux qui, à l’inverse, la fragilisent.
 

Quel message souhaitez-vous transmettre aujourd’hui ?

Moi, je dis qu’il faut soutenir les organisations sur place, parce qu’elles font un travail formidable. La grande préoccupation des réfugiés qui sont sous tentes, dans des conditions précaires, et qui n’ont pas forcément trouvé du travail, est de savoir comment ils passeront l’hiver. Un des camps de tentes que nous avons visité est construit sur un terrain privé. Le propriétaire peut reprendre quand il veut son terrain. Tout cela est totalement éphémère, précaire et préoccupant. L’horizon des réfugiés se limite à l’hiver prochain. Pour certains, ce sera le deuxième. C’est très dur. Il faut aussi développer l’action humanitaire. Les Caritas du Liban, de la Syrie et de la Jordanie agissent grâce au soutien financier des Caritas européennes et américaines. Donc plus on donnera, nous, à nos Caritas, plus elles pourront aider là-bas. Nous avons dit aux réfugiés syriens que nous serions leurs ambassadeurs en rentrant chez nous. C’est notre promesse. Chacune des associations s’adressera prochainement à son réseau, tissant ainsi une toile qui permettra de parler de cette situation très largement. Déclarations et démarches politiques sont en préparation. La principale responsabilité de nos dirigeants est de tout mettre en œuvre pour que la paix devienne possible à nouveau dans ce pays.
 

Pax Christi

La délégation

– Mgr Marc Stenger, Evêque de Troyes, Président de Pax Christi France
– Œuvre d’Orient
– Secours Catholique-Caritas France
– Secours Islamique France
– Tareq Oubrou, Recteur de la grande mosquée de Bordeaux
– CCFD-Terre Solidaire
– Service natinal pour les Relations avec l’Islam (SRI)
– Action Chrétienne en Orient
– Réseau Chrétiens de la Méditerranée
 

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